Les Français durcissent leur opinion envers les drogues et leurs consommateurs
[APM] Les Français ont durci en 10 ans leur opinion envers les drogues et leurs consommateurs, selon les premiers résultats de l'enquête Eropp 2008 sur les opinions et les perceptions sur les drogues, présentés lundi.
Les produits sont perçus comme plus dangereux en 2008 qu'en 2002 et 1999, les Français interrogés se montrent plus attachés aux mesures de prohibition, moins ouverts à la réduction des risques et moins tolérants pour les usagers de drogues, a résumé Jean-Michel Costes, directeur de l'Observatoire des drogues et des toxicomanies (OFDT) lors d'une conférence de presse.
Il y a eu un "glissement" avec la mise en avant de la responsabilité individuelle des comportements addictifs, a-t-il observé.
L'enquête a été réalisée d'octobre à décembre 2008 auprès d'un échantillon représentatif de 2.300 personnes âgées de 15 à 75 ans. Il s'agit de la troisième édition de cette enquête, après les éditions de 1999 et 2002.
Les Français interrogés manifestent "une plus grande appréhension à l'égard des produits psychoactifs" en 2008 qu'en 2002: 62% jugent que la consommation de cannabis est dangereuse pour la santé dès l'expérimentation (+10 points par rapport à 2002), 43% pensent de même pour le tabac (+18 points) et 10% pour l'alcool (+5 points). Les réponses augmentent aussi, mais dans une moindre mesure, pour l'héroïne (92%, +3 points) et la cocaïne (89%, +6 points).
Le changement est d'autant plus perceptible que l'opinion était très stable entre les enquêtes Eropp 1999 et Eropp 2002.
La perception des usagers de drogues s'en ressent, avec l'accent mis sur leur dangerosité pour leur entourage: 84% des Français interrogés le pensent pour les héroïnomanes (contre 74% en 1999). Inversement, les Français sont moins nombreux à penser que la toxicomanie à l'héroïne s'explique par des problèmes familiaux (43%, contre 59% en 1999) ou par une maladie (24%, contre 51% en 1999).
L'enquête montre aussi que les Français sont extrêmement attachés aux mesures d'interdiction du cannabis: 85% se déclarent contre la mise en vente libre du cannabis (+10 points par rapport à 2002), 70% contre l'autorisation du cannabis sous certaines conditions.
Ces changements s'expliquent essentiellement par la modification de l'opinion des personnes ayant déjà expérimenté le cannabis ou étant eux-mêmes consommateurs réguliers. Ce mouvement s'apparente à l'attitude des fumeurs dont une partie d'entre eux étaient eux-mêmes favorables à l'interdiction de fumer dans les lieux publics, a souligné Jean-Michel Costes.
Le consensus sur l'obligation de soins pour les usagers de drogues illicites interpellés reste très fort (89% d'opinions favorables, contre 91% en 1999). Mais le résultat peut recouvrir deux opinions différentes, souligne l'OFDT: "les uns appréci[ent] son aspect coercitif, les autres le fait qu'elle permette d'éviter les poursuites judiciaires en privilégiant l'alternative thérapeutique".
L'adhésion aux traitements de substitution aux opiacés (TSO), connus par sept Français sur 10, est également large: 73% des Français interrogés y sont favorables mais cette adhésion s'effrite (-9 points par rapport à 2002).
Mais cette frange majoritaire favorable à la réduction des risques (RDR) s'inverse lorsqu'on aborde le dispositif de salles de consommation: seuls 27% des Français seraient favorables à l'idée de "mettre à disposition des consommateurs d'héroïne des locaux et du matériel spécial pour qu'ils puissent s'injecter leur propre drogue (...) pour prévenir les risques pour la santé".
Les milieux sociaux favorisés, les personnes ayant une éducation scolaire supérieure, les adultes actifs et les personnes ayant une proximité (consommant ou ayant déjà consommé) avec le cannabis sont plus favorables que les autres à la démarche de réduction des risques comme elles sont également moins majoritairement attachées au régime de prohibition.
L'adhésion aux mesures de santé publique adoptées ces dernières années et visant à un plus grand contrôle de l'offre de tabac et d'alcool est massive, notamment pour les mesures limitant l'accès à ces produits pour les mineurs (92% sur le tabac, 90% sur l'alcool). Et un Français sur trois se déclare même favorable à une interdiction totale du tabac. Mais, paradoxalement, la hausse des taxes sur ces produits est désapprouvée par une majorité (52%).
Les mesures préventives en matière de consommation de tabac et d'alcool pour les femmes enceintes sont très majoritairement comprises et approuvées par les Français (91% pour l'alcool, 97% pour le tabac).
Le président de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt), Etienne Apaire, s'est félicité, lors de la conférence de presse, de cette adhésion au message du gouvernement sur la dangerosité des drogues.
Etienne Apaire s'est félicité de la concordance entre la politique menée par le gouvernement sur les drogues et l'opinion des Français.
"Je remarque une attitude massivement favorable à la politique mise en oeuvre. Cette enquête ne reflète pas seulement des opinions, parce que les Français sont de mieux en mieux informés" sur les drogues et leurs effets, a-t-il estimé. "Une politique publique se doit d'être efficace et de recueillir la plus grande adhésion possible".
hm/ab/APM polsan
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PARIS, 21 juin 2010 (APM)
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