Atlas de la mortalité par cancer: les inégalités géographiques persistent en France
[APM] Les inégalités géographiques de mortalité par cancer persistent en France, selon l'atlas de la mortalité par cancer rendu public mercredi par l'Institut national du cancer (Inca).
Réalisé dans le cadre d'une convention Inca-Inserm à partir des données des certificats de décès réunies par le Centre d'épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc, Inserm), cet atlas permet de visualiser la répartition géographique de la mortalité et les disparités spatiales, avec une évolution entre quatre périodes couvrant 1970-2004 et avec des chiffres récents pour les décideurs.
"Il permet pour la première fois une lecture infrarégionale des disparités (départements, zones d'emploi et jusque dans les DOM)", a indiqué mercredi lors d'une conférence de presse Martine Lequellec-Nathan, directrice du département santé publique à l'Inca.
En 2004, le cancer est devenu la première cause de mortalité en France (plus de 150.000 décès). Il occupe une part croissante des décès, passant d'un décès sur cinq en 1970 à un sur trois en 2004. Cela s'explique en grande partie par le vieillissement de la population.
Mais le taux global de la mortalité par cancer (décès rapportés à la population) et standardisé à l'âge, qui représente donc le risque de décéder d'un cancer, diminue depuis 1990 pour les hommes comme pour les femmes, témoignant des progrès réalisés en prévention et traitement. Cependant, ce risque de décès continue à augmenter pour les cancers de la peau, du foie, le mésothéliome (pour les hommes) et le cancer du poumon (pour les femmes).
Si une amélioration globale du niveau de mortalité par cancer est observée dans toutes les régions, "les inégalités géographiques de mortalité persistent avec parfois de gros écarts et sont toujours plus marquées pour les hommes", a précisé Martine Lequellec-Nathan.
La mortalité est toujours plus élevée dans le Nord, le Nord-Est et l'Ouest pour les hommes. Les variations géographiques montrent des écarts extrêmes avec jusqu'à six fois plus de mortalité par mélanome chez l'homme et trois fois plus pour le cancer du poumon chez les femmes.
Cette inégalité persiste mais sans aggravation. Pour certains cancers, il y a même une baisse des écarts notamment pour le poumon, la vessie, la prostate, la thyroïde et les hémopathies chez les hommes et le sein, l'oesophage, la vessie, l'ovaire et les hémopathies lymphoïdes pour les femmes.
APPARITION DE LA DIAGONALE CENTRALE
Des recompositions apparaissent avec une nette amélioration observée pour l'Alsace, la "Bretagne universitaire" (Rennes,...) et les vallées alpines. En revanche, une détérioration est constatée dans des zones rurales enclavées telles que l'Auvergne ainsi que sur le pourtour méditerranéen (évolution des populations, extension de la précarité).
La Champagne-Ardenne connaît une augmentation du risque de décès, faisant apparaître une diagonale centrale ou "diagonale du vide" (décroissance économique et démographique). Une stagnation est relevée dans le Nord et en Picardie. On relève aussi l'aggravation de disparités intra-urbaines comme dans le bassin parisien.
En début de période, le croissant nord se distinguait, de la Bretagne à l'Alsace en passant par le Nord; il a persisté à chaque période (1973-1977, 1980-1984, 1988-1992 et 1997-2001) mais tend peu à peu à s'atténuer, remplacé par une diagonale Nord-Pas-de-Calais-Champagne-Ardenne et Auvergne, a précisé Eric Jougla, épidémiologiste au CépiDC.
Les cancers qui causent le plus de décès chez l'homme sont les cancers du poumon, de la prostate et colorectal, avec une évolution du risque de décès depuis 1990 à la baisse. Seul le mélanome reste en hausse. Les disparités géographiques sont surtout observées pour les cancers du foie, des voies aérodigestives supérieures (VADS), l'oesophage, l'estomac, qui sont des cancers liés à la consommation d'alcool et de tabac.
Pour les femmes, les cancers les plus mortels sont les cancers du sein, du côlon-rectum et du poumon, avec une forte augmentation pour ce dernier (30% de hausse depuis 2000).
Pour le sein, la mortalité enregistre une "stagnation-baisse très modérée", les taux de décès les plus élevés étant retrouvés dans le nord de la France. Il est trop tôt pour voir un impact du dépistage organisé selon les départements pionniers.
Le cancer colorectal n'a pas de variation géographique, même si comme pour tous les cancers, il existe une sous-mortalité dans le Sud et le Sud-Ouest. Même chose pour le cancer de la prostate.
DE NOMBREUSES PISTES DE RECHERCHE
A partir de ces cartes, de nombreuses pistes de recherche s'ouvrent. L'épidémiologiste en a citées plusieurs, comme la spécificité des inégalités face aux cancers comparées à d'autres causes de décès, les déterminants sociaux et liés au système de soins avec l'élaboration d'indicateurs de défavorisation, ou encore la part de la mortalité attribuable aux facteurs de risque (alcool, tabac..).
L'Inca ouvre régulièrement des appels à projets de recherche en sciences humaines et sociales, en santé publique, en épidémiologie, a précisé Martine Lequellec-Nathan.
"Cette mortalité reste un triste record et montre que le problème reste devant nous, justifiant le Plan cancer. Les tendances du début du XXIème siècle sont plutôt favorables pour un certain nombre de cancers, mais on doit pouvoir agir pour diminuer cette mortalité", a commenté le président de l'Inca, le Pr Dominique Maraninchi.
"L'atlas illustre les inégalités, les disparités, et tout nouvel engagement devra prendre en compte ces résultats pour améliorer la moyenne mais aussi pour que la lutte contre les inégalités puisse être plus effective, puisque cela reste un gros problème en France", a-t-il souligné.
(Atlas de la mortalité par cancer en France métropolitaine. Evolution 1970-2004, téléchargeable sur le site www.e-cancer.fr)
sl/san/APM polsan
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PARIS, 28 janvier 2009 (APM)
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