Quand le décloisonnement ouvre d’immenses champs d’activités
[HOSPIMEDIA] Les Agences régionales de santé vont avoir pour mission de décloisonner le sanitaire et le médico-social. L’expérience menée par l’unité fonctionnelle d’odontologie gériatrique du pôle odontologique de l’hôpital Bretonneau montre qu’il y a urgence sur certains sujets.
Le décloisonnement entre les services, entre les hôpitaux, entre la ville et l'hôpital, ou encore entre le secteur sanitaire et le médico-social pour suivre au mieux les besoins et le parcours des patients est un des grands objectifs qui a sous-tendu la conception de la loi "Hôpital, patients, santé et territoires" (HPST). Les nouvelles Agences régionales de Santé (ARS) vont devoir s'y atteler. Les acteurs du système de santé français ne les ont cependant pas attendues pour étudier, expérimenter et pratiquer des collaborations fructueuses.
Une forte attente
Certaines expériences, comme celle de l'unité fonctionnelle d'odontologie gériatrique appartenant au pôle d'odontologie de l'hôpital Bretonneau (groupe AP-HP) et rattachée à l'unité de recherche d'odontologie de l'Université Paris Descartes, montrent tout le potentiel de cette vision transversale, mais aussi tout le défi que cela peut représenter pour le système de soins. Partie d'une étude sur l'état bucco-dentaire des personnes âgées institutionnalisées, à l'hôpital ou en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), l'initiative a permis de pointer un besoin de santé publique immense, qui ne va faire que s'aggraver avec l'évolution démographique.
"Nous recevons des appels téléphoniques tous les jours de personnes qui ont appris par le bouche-à-oreille que nous prenons en charge les personnes âgées. Malheureusement, nous n'avons pas assez de place", regrette le docteur Daniel Nebot, chirurgien-dentiste MCU-PH* (Paris Descartes), responsable de l'Unité fonctionnelle d'odontologie gériatrique du pôle dentaire dirigé par le professeur Danielle Buch. Cette notoriété confirme le constat que Daniel Nebot a fait avec ses équipes lors de l'étude qu'il a menée avec son adjointe Clara Kouyoumdjian et Gilles Duverneuil, tous deux anciens assistants hospitalo-universitaire à Paris Descartes, ainsi qu'avec des internes en chirurgie dentaire. L'état bucco-dentaire des patients dépendants est déplorable, très majoritairement mauvais ou nul. Le constat est plus sévère pour les patients âgés hospitalisés que pour les résidents dans les trois EHPAD du Nord parisien avec lesquels il existe une convention, à savoir la résidence Hérold à Saint-Ouen, Océane à la Porte des Lilas et Saint-Simon, Porte de Montreuil.
Au-delà du diagnostic, certains "petits soins" peuvent être faits sur place, les autres étant réalisés dans le cadre de consultations à l'hôpital. Mais ces soins apparaissent rapidement inutiles s'ils ne sont pas accompagnés d'un suivi de l'hygiène bucco-dentaire. Or, de nombreux patients âgés dépendants ne peuvent plus se brosser les dents seuls et ont besoin d'aide. Se pose alors le problème de la formation d'un personnel qui à l'hôpital comme en EHPAD n'est pas une problématique aisée à résoudre, tant la rotation est importante.
Quels moyens pour répondre à la demande ?
Mais l'enjeu est de taille. Car si améliorer la santé bucco-dentaire des personnes âgées dépendantes est compliqué et demande la mobilisation de tous les intervenants, elle permet de lutter, voire d'éliminer des facteurs de dégradation de l'état de santé de ces patients, comme la malnutrition. L'équipe de Daniel Nebot a donc décidé de poursuivre ses interventions en combinant soins au lit du patient ou au sein des EHPAD et consultations programmées pour les soins plus lourds. Et de faire connaître ses travaux lors de conférences scientifiques comme les entretiens de Bichat.
L'initiative va continuer sans aucun doute à faire la preuve de son caractère essentiel, voire vital, pour les patients. Mais sans moyens supplémentaires, en particulier en termes de postes dédiés, elle va créer de la frustration, l'équipe ne pouvant prendre en charge qu'un nombre limité de patients. En cela, le décloisonnement entre les institutions permet de démontrer l'utilité de certaines approches innovantes. Mais les ARS auront-elles les moyens de transformer des expérimentations en véritables dispositifs de santé publique ?
Renaud Degas
*MCU-PH : Maître de conférence des universités-praticien hospitalier.
Le 01.07.09 - HOSPIMEDIA
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