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Actualités 03/03/2014

« Les classes sociales peu favorisées seraient les plus confrontées à l’euthanasie »

[Hopital.fr] – Le débat sur la fin de vie et l’éventuelle légalisation de l’euthanasie divise profondément en France. Le point de vue de Robert Holcman, directeur d’hôpital, auditeur à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), professeur à l'Institut d'études politiques de Bordeaux et auteur de nombreux articles et ouvrages*.

Hopital.fr : Pourquoi faites-vous un lien entre les notions d’euthanasie et de suicide ?

R. Holcman : En 1987, la France a interdit le livre « Suicide, mode d’emploi » qui présentait les différents médicaments permettant de mettre fin à ses jours paisiblement, car il avait été retrouvé au chevet de personnes suicidées. Une loi a dès lors fait de l’incitation au suicide un délit. Or aujourd’hui, on envisage de légiférer sur les modalités permettant à un tiers de mettre fin aux jours d’une personne le demandant… Dès lors, pourquoi ne pas plutôt autoriser l’accès des personnes gravement malades aux moyens de se suicider dans des conditions décentes, si elles en ont les moyens (hors les cas particuliers de personnes inconscientes ou tétraplégiques) ?  

 

Hopital.fr : En quoi la possibilité de recourir à l’euthanasie, qui semble correspondre à une demande sociale forte, pourrait-elle constituer « l’ultime injustice » ?

R. Holcman : Ce recours à l’euthanasie concernerait en premier lieu les classes sociales peu favorisées, car ces personnes non seulement vivent moins longtemps mais ont aussi une fin de vie davantage marquée par des périodes d’incapacité, liées à un handicap ou à une longue maladie. Donc, vivant moins longtemps en bonne santé, elles se verraient mécaniquement exposées davantage à l’euthanasie que les classes sociales plus favorisées. Il y a là un risque d’injustice sociale qu’il faut prendre en compte dans la réflexion…

 

Hopital.fr : Les « directives anticipées », qui existent en France depuis 2005 (loi Léonetti) mais que personne ou presque ne connaît, sont-elles une réponse à ces problématiques de fin de vie ?

R. Holcman : Les directives anticipées, en effet, permettent à une personne d’indiquer par avance ses souhaits en matière de réanimation ou d’efforts thérapeutiques à consentir pour la maintenir en vie. Elles s’inscrivent plus généralement dans le cadre de laloi Léonetti, qui prohibe l’acharnement thérapeutique et introduit aussi la personne de confiance, laquelle peut faire part des instructions (fin de vie, réanimation, don d’organes…) du patient s’il se trouve que ce dernier n’est plus en mesure de s’exprimer.

Si la loi Léonetti était mieux connue et davantage appliquée, et si la pratique des soins palliatifs était suffisamment développée dans notre pays, le nombre de cas dans lesquels peut se poser la question de l’euthanasie serait extrêmement réduit.

 

Propos recueillis par Catherine Holué

 

NB : Les réponses aux principales questions pratiques sur les « directives anticipées » sont disponibles sur le site du ministère de la Santé. Un formulaire-type est disponible ici.

 

*Robert Holcman est l’auteur notamment de :

-Euthanasie, l'ultime injustice, L'Harmattan, 2010.

-Management hospitalier. Manuel de gouvernance et de droit hospitalier, Dunod, 2013.

 

 

Consultez notre dossier Fin de vie – Soins palliatifs

 

Lire aussi :

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