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Actualités 25/03/2022

La consommation d’édulcorants serait associée à un risque accru de cancer

Les édulcorants permettent de réduire la teneur en sucre ajouté, ainsi que les calories qui y sont associées, tout en maintenant le goût sucré des produits. De nombreux aliments et boissons (sodas light, yaourts, sucrettes…) contenant des édulcorants sont consommés quotidiennement par des millions de personnes. Cependant, l’innocuité de ces additifs alimentaires fait l’objet de débats.

Afin d’évaluer le risque de cancer lié aux édulcorants, des chercheurs et chercheuses de l’Inserm, d’INRAE, du Cnam et de l’Université Sorbonne Paris Nord, au sein de l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren), ont analysé les données de santé et de consommation d’édulcorants de 102 865 adultes français et françaises participant à l’étude de cohorte NutriNet-Santé. Les résultats de ces analyses statistiques suggèrent une association entre la consommation d’édulcorants et un risque accru de cancer. Ils font l’objet d’une publication dans la revue PLOS Medicine.

Compte tenu des effets délétères de la consommation excessive de sucre sur la santé (prise de poids, troubles cardiométaboliques, caries dentaires…), l’Organisation mondiale de la santé recommande de limiter la consommation de sucres libres[1] à moins de 10 % de l’apport énergétique quotidien[2]. Alors, pour conserver dans les aliments le « goût sucré » tant recherché par les consommateurs du monde entier, l’industrie alimentaire a de plus en plus recours aux édulcorants artificiels. Il s’agit d’additifs alimentaires qui réduisent la teneur en sucre ajouté et les calories correspondantes tout en conservant le goût sucré. En outre, afin d’augmenter la saveur de certains aliments, les fabricants incluent ces édulcorants artificiels dans certains produits qui ne contiennent traditionnellement pas de sucre ajouté (les chips aromatisées par exemple).

L'aspartame, un édulcorant artificiel bien connu, est ainsi présent dans plusieurs milliers de produits alimentaires à travers le monde. Sa valeur énergétique est similaire à celle du sucre (4 kcal/g) mais son pouvoir sucrant est 200 fois plus élevé, ce qui signifie qu’une quantité beaucoup plus faible d’aspartame est nécessaire pour obtenir un goût comparable. D’autres édulcorants artificiels ne contiennent même pas de calories, par exemple l’acésulfame-K et le sucralose, qui sont respectivement 200 et 600 fois plus sucrants que le saccharose.

Alors que la cancérogénicité de certains additifs alimentaires a été suggérée par plusieurs études expérimentales, des données épidémiologiques solides associant la consommation quotidienne d’édulcorants à l’étiologie de diverses maladies font défaut. Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont voulu examiner les associations entre la consommation d’édulcorants (totale et les plus souvent consommés) et le risque de cancer (global et par types de cancer les plus fréquents) dans une vaste étude en population. Ils se sont appuyés sur les données communiquées par 102 865 adultes participant à l’étude NutriNet-Santé (voir encadré ci-dessous), une cohorte en ligne initiée en 2009 par l’Équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Eren, Inserm/INRAE/Cnam/Université Paris Nord), qui a également coordonné ce travail.

Les volontaires ont eux-mêmes déclaré leurs antécédents médicaux, leurs données sociodémographiques, leur activité physique, ainsi que des indications sur leur mode de vie et leur état de santé. Ils ont également renseigné en détail leurs consommations alimentaires en transmettant aux scientifiques des enregistrements complets sur plusieurs périodes de 24 heures, incluant les noms et marques des produits. Cela a permis d’évaluer précisément leurs expositions aux additifs, et notamment aux édulcorants.

Après avoir recueilli les informations sur le diagnostic de cancer au cours de la période de suivi (2009-2021), les chercheurs et chercheuses ont effectué des analyses statistiques afin d’étudier les associations entre la consommation d’édulcorants et le risque de cancer des participants. Ils ont tenu compte de nombreux facteurs potentiellement confondants tels que l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, l’activité physique, le tabagisme, l’indice de masse corporelle, la taille, la prise de poids au cours du suivi, le diabète, les antécédents familiaux de cancer, ainsi que les apports en énergie, alcool, sodium, acides gras saturés, fibres, sucre, aliments complets et produits laitiers.

Les scientifiques ont constaté que, comparés aux non-consommateurs, les personnes qui consommaient le plus d’édulcorants, en particulier d’aspartame et d’acésulfame-K, avaient un risque plus élevé de développer un cancer, tous types confondus. Des risques plus élevés ont particulièrement été observés pour le cancer du sein et les cancers liés à l’obésité[3].

« Cette étude prospective à grande échelle suggère, en accord avec plusieurs études expérimentales in vivo et in vitro, que les édulcorants, utilisés dans de nombreux aliments et boissons en France et dans le monde, pourraient représenter un facteur de risque accru de cancer », explique Charlotte Debras, doctorante et première auteure de l’étude. Des recherches supplémentaires dans d’autres cohortes à grande échelle seront nécessaires pour venir reproduire et confirmer ces résultats.

« Ces résultats ne soutiennent pas l’utilisation d’édulcorants en tant qu’alternatives sûres au sucre et fournissent de nouvelles informations pour répondre aux controverses sur leurs potentiels effets néfastes sur la santé. Ils fournissent par ailleurs des données importantes pour leur réévaluation en cours par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d’autres agences de santé publique dans le monde », conclut Mathilde Touvier, directrice de recherche à l’Inserm et coordinatrice de l’étude.

[1] Sucres ajoutés et naturellement présents dans les jus de fruits, sirops, miel.
[2] Organisation mondiale de la santé, 2015
[3] Cancers pour lesquels l’obésité représenterait un facteur de risque : pancréas, foie, côlon-rectum, sein, endomètre, rein, œsophage, bouche, larynx, pharynx, estomac, vésicule biliaire, ovaires et prostate.

Source : INSERM

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