• Twitter
  • Facebook
Actualités 17/12/2009

Dix fois plus de troubles psychotiques chez les SDF que dans la population générale, selon une enquête à Paris


[APM] Les personnes sans domicile fixe (SDF) souffrent 10 fois plus que la population générale de troubles psychotiques selon une enquête réalisée à Paris par l'Observatoire du Samu social de Paris et rendue publique mardi lors de sa journée scientifique.

L'enquête, baptisée SAMENTA, montre également que les troubles dépressifs sont quatre fois plus importants chez les "personnes sans logement personnel" et que les jeunes de moins de 25 ans sont particulièrement touchés.

Il s'agit de la première enquête sur le sujet depuis plus de 10 ans, la dernière ayant été réalisée par le Pr Viviane Kovess en 1996 pour l'association L'Elan retrouvé.

L'enquête SAMENTA a été réalisée de février à avril auprès de 859 personnes (840 questionnaires exploitables) rencontrées dans 135 structures d'urgence (CHU, centres hospitaliers spécialisés, Lits halte soins santé, accueils de jour, points de distribution de repas chauds) et d'accueil social (hôtels sociaux, centres d'hébergement et de réinsertion sociale, centres maternels) par des binômes enquêteurs-psychologues et quatre psychiatres.

La méthodologie fait l'objet d'un important travail pour s'assurer de bien appréhender une population difficile d'accès et de bien cerner les pathologies psychiatriques, a souligné le Dr Anne Laporte, directrice de l'Observatoire. L'enquête a été réalisée en collaboration avec l'unité Inserm 707 et un groupe de recherche pluridisciplinaire, à la demande de la mairie de Paris et de la préfecture de police de Paris.

Près d'un tiers des personnes souffrent d'au moins un trouble psychiatrique sévère, dont 13,2% de troubles psychotiques, 6,7% de troubles de l'humeur sévère et 12,2% de troubles anxieux.

Les troubles de la personnalité ou du comportement -non sévères- concernent 21,1% des personnes, les troubles non sévères de l'humeur (épisodes dépressifs légers ou moyens), 15,8% des personnes. Le risque suicidaire, moyen ou élevé, touche 11,9% de la population.

La dépendance aux substances psycho-actives (alcool, drogues illicites) concerne 28,5% des personnes, avec 20% de personnes dépendantes à l'alcool, 16% de consommateurs quotidiens de cannabis et 2,4% de consommateurs quotidiens de cocaïne. La moitié des personnes (53%) fument quotidiennement.

L'enquête montre que 49% des personnes atteintes de troubles psychotiques présentent une addiction à au moins un produit psycho-actif, avec une dépendance à l'alcool dans 30% des cas et une consommation quotidienne ou quasi quotidienne de cannabis dans 30,9% des cas.

Un tiers des femmes (35,8%) présentent un trouble psychiatrique sévère, soit davantage que les hommes (29,2%). Les femmes souffrent trois fois plus de troubles anxieux que les hommes (21% contre 7,5%) tandis que les hommes souffrent davantage que les femmes de troubles psychotiques (15,4% contre 9,1%). Les hommes sont également plus dépendants aux substances psycho-actives que les femmes (33% contre 11,8%) et plus dépendants à l'alcool (27,3% contre 9,3%).

RECOURS AUX SOINS INTERROMPU

Avec cette forte prévalence de troubles psychiatriques, cette population est caractérisée par une interruption du suivi psychiatrique.

Si deux tiers (68,2%) des personnes atteintes de troubles sévères ont eu au moins une fois recours à des soins pour des problèmes émotifs, nerveux, psychologiques, psychiatriques ou de comportement, 18,2% seulement avaient un suivi au moment de l'enquête (37,7% des psychotiques, 13,4% des personnes avec troubles sévères de l'humeur, 8,4% des personnes avec troubles anxieux).

Le suivi passé était une hospitalisation en psychiatrie dans 23,8% des cas, dont 18% au moins une fois sous contrainte. Dans 40,6% des cas, le suivi consistait en une prescription par un médecin de "médicaments pour les nerfs, tranquillisants, antidépresseurs ou neuroleptiques".

Par ailleurs, 22,3% des personnes diagnostiquées par le psychiatre comme ayant un trouble sévère n'ont jamais eu recours aux soins pour ces motifs: 25,6% des psychotiques, 28% des personnes avec troubles sévères de l'humeur et 22,2% des personnes avec troubles anxieux.

Trois-quarts des personnes ayant eu un suivi ne l'ont plus, alors même que les enquêteurs ont conclu à l'existence de troubles psychiatriques. La rupture de suivi concerne 41,8% des personnes psychotiques, 81,1% des personnes avec troubles sévères de l'humeur et 88,5% des personnes avec troubles anxieux.

LES MOINS DE 25 ANS PLUS TOUCHES

L'enquête montre que les moins de 25 ans (17% de la population sans logement personnel à Paris) sont 39,7% à présenter au moins un trouble psychiatrique sévère (troubles psychotiques chez 16,9%, troubles sévères de l'humeur chez 8,9% et troubles anxieux chez 16,5%). Un jeune sur cinq est dépendant à l'alcool, un sur quatre consomme quotidiennement ou quasi quotidiennement du cannabis et 5,9% de la cocaïne.

Un tiers (36,7%) des jeunes atteints de troubles psychiatriques sévères bénéficiaient d'un suivi au moment de l'enquête, dont 70,7% pour ceux atteints de troubles psychotiques mais seulement 13,7% de ceux avec troubles sévères de l'humeur et 8,8% de ceux avec troubles anxieux.

Ces résultats pour la prévalence et le recours aux soins sont très proches de ceux obtenus en 1996, ont souligné Caroline Douay (Observatoire du Samu social de Paris) et le Dr Valérie Le Masson (Hôpital Sainte-Anne, Paris). Comme la population sans logement personnel a dans le même temps beaucoup augmenté, les chercheurs estiment que l'action des équipes mobiles de psychiatrie précarité semble avoir porté ses fruits.

"Le recours aux soins est non négligeable mais le maintien dans le soin est inopérant avec peu de personnes en cours de soins", a souligné le Dr Le Masson.

hm/ab/APM polsan
redaction@apmnews.com

logo APM (Agence de Presse Médicale)

PARIS, 15 décembre 2009 (APM)

Haut de page
  • Twitter
  • Facebook