Des chercheurs s'inquiètent du risque de neurotoxicité chez l'enfant des pesticides
[APM] - Des chercheurs alertent dans le journal Environmental Health sur le risque de neurotoxicité pour les enfants des pesticides utilisés dans l'agriculture en Europe, sur la base d'une revue de toutes les données disponibles sur le sujet.
De nombreux pesticides ciblent le système nerveux des insectes, et "en raison des similitudes de biochimie du cerveau, de tels pesticides pourraient aussi être neurotoxiques pour les humains", particulièrement durant toute la période de développement du cerveau dans l'enfance, où la vulnérabilité aux produits neurotoxiques est accrue, estiment Marina Bjorling-Poulsen de l'université du Danemark à Odense et ses collègues.
Or les procédures d'autorisation des pesticides n'incluent pas actuellement de tests de neurotoxicité durant le développement.
Les auteurs rappellent que 140.000 tonnes de pesticides sont utilisées en Europe chaque année. La moitié des fruits, légumes et céréales consommés contiennent des pesticides, dont un sur 20 à des doses supérieures aux limites légales, et des produits alimentaires manufacturés, y compris des produits pour bébés, en contiennent.
Face à cette inquiétude, les chercheurs ont passé en revue les données disponibles sur ce sujet.
Ils se sont intéressés à différents types de pesticides, certains ciblant l'acétylcholinestérase présente dans le système nerveux central et périphérique et qui module la quantité d'acétylcholine, qui a un rôle important dans le développement du cerveau, d'autres qui agissent sur un canal sodium, rendant les neurones hyperexcitables, d'autres ayant des effets plus généraux oxydants ou perturbateurs des membranes cellulaires... Plusieurs classes de pesticides pourraient aussi avoir un effet neurologique indirect, via la perturbation de la fonction thyroïdienne.
Les quelques études épidémiologiques disponibles ont mis en évidence des effets, par exemple sur les réflexes des nouveau-nés, les retards de développement, les problèmes de mémoire et d'attention, en lien avec les quantités de métabolites des pesticides présents dans l'organisme des enfants. Mais pour plusieurs classes de produits, on n'a pas ou très peu de données épidémiologiques, ou alors seulement des données chez l'adulte... montrant aussi des effets, notamment cognitifs.
Par ailleurs, pour une classe de produits, le rôle de l'exposition aux pesticides durant l'enfance sur le risque ultérieur de maladie de Parkinson est évoqué.
On dispose de travaux chez l'animal suggérant une toxicité neurodéveloppementale, avec des effets sur le cerveau qui peuvent être "sévères et irréversibles", et cela à des seuils nettement inférieurs aux seuils de toxicité définis pour les adultes.
Les chercheurs s'interrogent également sur la possibilité de synergies entre différents pesticides, qui est possible dans la mesure où on est souvent exposé à plusieurs de ces produits; mais on ne dispose pas de données sur cette question.
En conclusion, ils s'inquiètent des possibles conséquences de la large utilisation - et donc de la large exposition de la population- des pesticides et déplorent le manque d'études sur la neurotoxicité chez l'enfant. Mais ils estiment que cette insuffisance de données "ne devrait pas être utilisée comme excuse" pour ne rien faire, et appellent à des mesures préventives contre une exposition à ces produits, qui devrait être une "priorité de santé publique".
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APM, WASHINGTON, 27 octobre 2008
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