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Actualités 30/06/2020

Cancers du sang : des cellules dressées au combat

Demain, le service d’hématologie clinique des HCL traitera son 100 ème patient atteint d’un lymphome réfractaire, grâce à la thérapie par CAR-T cells. Ce nouveau traitement révolutionnaire est basé sur la reprogrammation génétique des propres cellules immunitaires du patient, pour reconnaître et détruire une tumeur.

En 2017, le service d’hématologie clinique des Hospices Civils de Lyon était le premier en France à
tester cette thérapie novatrice dans le cadre d’une étude internationale. Depuis l’été 2018, les CAR-T
cells ont été approuvées en Europe pour traiter deux cancers du sang chez les patients en situation
d’échec thérapeutique : les lymphomes B à grandes cellules et la leucémie lymphoblastique B de
l’enfant et du jeune adulte jusqu’à 25 ans.

De la famille des nouveaux traitements d’immunothérapie, les CAR-T cells sont fabriquées à partir
des propres cellules immunitaires du patient. Le principe consiste à prélever les lymphocytes T du
patient (globules blancs) et à les modifier génétiquement en laboratoire afin de les munir d’un
récepteur artificiel, le CAR. Réinjectées au patient, les cellules modifiées se transforment en tueurs
d’élite, capables d’identifier et d’attaquer une tumeur.

Le processus de fabrication des CAR-T cells est long et implique de nombreuses étapes. Après que
l’éligibilité du patient ait été validée en réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP), plusieurs
étapes s’enchaînent jusqu’à la réinjection du traitement. Premièrement, le prélèvement des cellules,
processus appelé ‘leucaphérèse’ : grâce à une machine, on va prélever uniquement les globules
blancs dans le sang du patient, qui serviront à la fabrication du médicament. La collecte dure 4
heures en moyenne et est indolore. Puis la qualité de la poche de sang est contrôlée, le contenu
congelé à -190° et expédié vers un établissement pharmaceutique, où les lymphocytes seront
génétiquement modifiés. Entre 2 et 14 jours avant l’injection du médicament, le patient est
hospitalisé pour réaliser divers examens et recevoir certains médicaments dont une chimiothérapie,
qui va permettre de créer un environnement favorable. « Seul un petit nombre de cellules modifiées
(100 à 200 millions) est réinjecté dans le corps du patient. Elles vont ensuite se démultiplier jusqu’à
100 000 fois dans l’organisme pour venir détruire les cellules tumorales », complète le Pr Gilles Salles,
chef du service d’Hématologie clinique.

Le traitement ne peut être réalisé que dans des centres experts ; il en existe une vingtaine en France.
A ce jour, plus de 400 patients ont déjà été traités dans l’ensemble de ces centres, dont 100 aux HCL.
Le service va publier prochainement une étude sur les 70 patients traités hors essais cliniques, en vie
réelle. Une première en France et en Europe.

Nouveaux espoirs...

Actuellement, on observe jusqu’à 50% de réponse complète du traitement par CAR-T cells dans le
lymphome diffus à grandes cellules B et 60% dans la leucémie aigue lymphoblastique à cellules B.
Cette thérapie de dernier recours donne donc un espoir important à des patients ayant subi plusieurs
échecs thérapeutiques et/ou trop âgés pour subir une autogreffe. C’est le cas d’Annie. Après deux
hôpitaux et plusieurs protocoles de chimiothérapie, rien n’y fait ; son lymphome résiste et les médecins
se résignent. C’est le Pr Hervé Ghesquières, aux HCL, qui va lui proposer ce nouveau traitement révolutionnaire.
Il a fallu faire vite : « Quand je suis arrivée le jour de mon prélèvement, je ne pouvais même plus
marcher, ma fille a dû aller chercher un fauteuil pour me monter dans le service ».
Compte-tenu de la fréquence élevée d’évènements indésirables (près
de 95% des patients), le patient reste souvent hospitalisé plusieurs
semaines après son injection pour détecter certains effets indésirables
de manière précoce. « Nous travaillons en réseau avec des spécialistes des HCL multiples :
réanimateurs, neurologues, experts des maladies infectieuses et de médecine nucléaire, ou encore des
pharmaciens, explique le Pr Salles, la surveillance des patients est une priorité pour un traitement
nouveau comme celui-ci ». Annie l’avoue : « C’est un protocole très lourd et pénible, mais j’ai été
soignée par une équipe formidable. Je suis une battante, je ne me plains pas beaucoup, mais j’étais
raplapla et comme je n’arrivais pas à manger, ils me faisaient des purées avec des petits morceaux de
beurre ». Alors qu’elle était dans l’impasse, la septuagénaire est en rémission depuis quinze mois
aujourd’hui. Elle vient de clore un cycle de visites de contrôle tous les trois mois et n’aura plus à se
déplacer que tous les six mois désormais. « C’est une nouvelle étape. Je suis contente et je sais que si
j’ai le moindre souci, je peux passer un coup de fil », conclue-t-elle, heureuse de se projeter à
nouveau.

... Et nouvelles voies

Les CAR-T cells sont au cœur de nombreux projets de recherche et ouvre un nouveau champ des
possible. Un nouveau CAR-T traite également désormais le lymphome à cellules du manteau, maladie
jusqu’à présent incurable. Deux tiers des patients, pourtant réfractaires à trois voire quatre
traitements, ne rechuteront pas à un an. Les recherches se poursuivent également pour soigner
d’autres formes de lymphomes et de leucémies. Et traiter le myélome multiple, une autre maladie
incurable, sera la prochaine étape de la thérapie cellulaire.

Parallèlement aux recherches sur les maladies en elles-mêmes, les médecins explorent également les
combinaisons de traitements pour améliorer la qualité des lymphocytes T avant prélèvement, en vue
de fabriquer des CAR-T d’encore meilleure qualité.

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