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Actualités 07/04/2015

Mars 2015 sur fond de réformes

réforme santé
[Reseau-chu.org] - Droit à l’oubli des malades guéris d’un cancer, renforcement du consentement présumé du don d’organe et toujours une forte mobilisation des médecins contre le projet de loi santé. Tels sont les temps forts de l’actualité de ce mois de mars 2015.

Anciens malades : l'accès simplifié au crédit 

D'abord l'avancée qui intéresse 3 millions de personnes, malades et anciens malades guéris d'un cancer : le droit à l'oubli au moment de la demande d'un crédit. Il sera appliqué aux adultes soignés pour un cancer pédiatrique avant  l'âge 15 ans et qui ont achevé le protocole thérapeutique depuis 5 ans. Sont également concernés les hommes et les femmes ayant eu un autre cancer et dont le traitement est terminé depuis 15 ans. Ces anciens malades n'auront même pas de déclaration spécifique à effectuer. Quant au délai de 15 ans, il pourra diminuer en fonction d'une grille de référence des pathologies qui sera actualisée. Ce protocole d’accord a été entériné le mardi 24 mars 2015.
Concrètement, dans les questionnaires de santé qui accompagnent la souscription d'un crédit immobilier, les emprunteurs n’auront plus à mentionner leurs cancers, ni à répondre à des questions sur ce sujet. Une manière de "Libérer les malades du poids du passé" commente le chef de l’Etat. "Une fois la maladie vaincue, elle ne viendra plus hanter" les anciens malades, a-t-il souligné. Une avancée "unique au niveau international". « Demain, le droit à l’oubli s’appliquera à toutes les maladies» cite Carole Molé-Genlis dans l'Argus de l'assurance du 24 mars. Quant au Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), il souhaite étendre ce droit aux maladies chroniques stabilisées comme l'hépatite C.
Priorité du 3ème plan cancer, ce texte figurera d'ici l'été en tant qu'avenant à la convention Aeras : s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé ; une convention cosignée par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de l’assurance et de la mutualité et les associations de malades et de consommateurs.

Don d'organes : renforcement du consentement présumé

Un amendement du Code de la Santé Publique prévoit de renforcer le consentement présumé du don d'organe instauré par la Loi Cavaillet de 1976 ; l'avis des proches ne deviendrait plus nécessaire. Ces derniers seraient seulement «informés des prélèvements envisagés et de leur finalité». Ce texte adopté le 19 mars 2015 en commission des Affaires sociales de l'Assemblée entend pallier la pénurie de greffons et alléger la souffrance des familles "très perturbées de devoir prendre une décision aussi difficile dans un contexte douloureux." plaide le député PS Jean-Louis Touraine, à l'origine de l'amendement avec la députée PS Michèle Delaunay note Agnès Leclair dans le Figaro du 22 mars. Le débat sur cette disposition qui doit entrer en vigueur en 2018, devrait avoir lieu en séance publique lors de l’examen de la loi santé.
Il existe deux manières d’indiquer sa décision de donner ses organes après sa mort, deux possibilités : soit demander une carte de donneur mais " En pratique, les familles confrontées au deuil se retrouvent décisionnaires et refusent les prélèvements dans 40% des cas" précise 20 minutes du 24 mars. Pourtant 80% des français se disent favorables au don. 
L'Agence de Biomédecine rappelle que les malades en attente d’une greffe d’organes sont plus nombreux chaque année.  Avec un total de 5 123 greffes en 2013, l'activité enregistre une progression de 2% par rapport à 2012 mais reste largement insuffisante au regard des besoins : 18 976 personnes étaient enregistrées sur la Liste Nationale d’Attente dans le courant de l’année 2013. Et l'AFP de citer la "Fondation Greffe de vie, qui dénonce la mort de 500 à 700 personnes chaque année par manque de greffons".  

Les réactions 
Certaines associations déplorent l'exclusion des familles et des proches privées d'un droit de regard qui leur était reconnu auparavant. D'autres considèrent qu'il s'agit d'un moyen efficace d'augmenter le nombre de prélèvements et par là-même de vies sauvées et citent l'Espagne qui enregistre un taux de refus de 15% contre 40% en France. « 1 % de refus, c’est 100 greffes qui chaque année ne peuvent pas être faites alors que c’est la vie des patients qui parfois est en jeu », indique Jean-Pierre Scotti, président de la Fondation Greffe de vie, repris par Pierre Bienvault dans La Croix du 26 mars.

Projet de loi : les médecins dans la rue 

Le 17 mars, deux jours avant le passage du projet de loi santé en commission à l'Assemblée nationale, 19 000 professionnels de santé défilaient à Paris pour demander son retrait. En cause l'article concernant la généralisation du tiers payant qui évite au patient d'avancer l’argent, le praticien étant directement réglé par les mutuelles et l’Assurance maladie. Les médecins redoutent de ne pas être payés ou que les délais soient trop longs, et surtout d’être inondés par les tâches administratives.
Autres motifs de tension, la vaccination qui pourrait être assurée par les pharmaciens, l’exclusion de la médecine libérale spécialisée de la formation et la carte sanitaire sur l’installation des jeunes médecins et sur l’organisation des médecins en exercice.

Jean de Kervasdoué* livre son analyse dans une interview accordée au JDD le 15 mars. Selon lui, la généralisation du tiers payant ne changera rien puisque "Seuls 5% des assurés disent avoir repoussé une consultation chez un médecin pour des raisons financières (...). Pour les médecins, en revanche, la généralisation entraînera beaucoup de paperasse et d'impayés. La loi santé ferait mieux de s'attaquer aux vrais problèmes : la dette de la Sécurité sociale et l'inégalité des soins." Et l'économiste de la santé de faire le calcul : avec trois consultations par heure et 5mn de traitement administratif, les médecins travaillent au taux horaire de 69 € "à peine plus qu'un mécanicien auto". Selon l'expert, la profession de généraliste est en crise. Elle n'attire pas les jeunes médecins. "Et là, on aimerait qu'ils deviennent les auxiliaires de quelque 600 complémentaires santé!". Il prévoit une entrée en résistance des praticiens "d'autant qu'aucune sanction n'est prévue". 

La ministre de la santé, Marisol Touraine a reçu une délégation de médecins le 15 mars. En réponse à leurs inquiétudes, elle confirmait le lendemain sur les ondes de RMC que plusieurs amendements avaient été déposés. Le tiers payant ne sera pas une charge de travail supplémentaire pour les médecins. Quant aux délais de paiement  "Nous inscrirons des garanties de paiement en 7 jours". 

Mardi 31 mars, 1er jour de débat du projet de loi santé à l'Assemblée nationale et nouvel appel à la grève des médecins par la CSMF (Confédération des syndicats médicaux français), MG France (syndicat de généralistes) et la FMF (Fédération des médecins de France) avec fermeture des cabinets et grève des permanences de soins. Au cœur de la discorde toujours le tiers payant.

Le 19 mars, Paul Laubacher du Nouvel Observateur s’intéressait à l'article 47 de ce projet de loi qui prévoit la création d'un système national des données de santé (SNDS) ; un système global qui regroupera quatre sources de données : le système national d'information inter-régime de l'Assurance maladie (Sniiram), le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), des données sur les causes de décès des collectivités territoriales et les données de remboursement personnelles transmises par les complémentaires santé.

Pour Christiant Saout, Secrétaire général délégué du Ciss (Collectif interassociatif sur la santé), "Ce qui pose problème, c'est l'accès régulé aux données potentiellement ré-identifiantes" qui, croisées avec celles d'un employeur, d'une banque ou d'une assurance permettrait d'identifier les personnes.
Or il est précisé dans l'article que les données ouvertes au public prendront "la forme de statistiques agrégées ou de données individuelles". Ces données seront "constituées de telle sorte que l’identification directe ou indirecte des personnes concernées y est impossible". 

150 médicaments à "utiliser préférentiellement"

Anticipant un article de la loi santé concernant l'élaboration par la Haute autorité de santé (HAS) d'une sélection de médicaments préférentiels, Science et vie du 23 mars publie une liste de 150 médicaments nécessaires au traitement de 95% des maladies dont souffrent les Français. Au final seuls 3% des 5 000 médicaments disponibles en France sous plus de 15 000 formes différentes sont retenus - ne sont pas inclus ni les vaccins ni les médicaments contre les maladies rares.
Le tri a été effectué par un groupe de médecins internistes et généralistes, sur l'initiative du Pr Michel Thomas, de l'hôpital de Bobigny.
Titre du dossier "la 1re liste des meilleurs médicaments" et sous titre "Des milliers de médicaments ne servent à rien" .

"Pour chaque pathologie, les médecins ont fait appel à la littérature scientifique et à leur propre expérience" explique le magazine.

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*Jean de Kervasdoué est professeur au Conservatoire national des arts et métiers, économiste de la santé et ex-directeur des hôpitaux

Article initialement publié le 31/03/2015

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